Un sous-marin russe en Manche

Un sous-marin russe entre en Manche en direction du nord. À 7 h, heure locale, il était estimé s au large de Land’s End, le finistère de l’Angleterre. Son escorte par la Royal Navy ou la marine française n’est pas encore évoquée. Le sous-marin d’attaque de la classe Kilo, qui peut être armé de missiles de croisière Kalibr, a été suivi par des analystes du renseignement ouvert depuis qu’il a quitté la Syrie.

The Russian Navy's Kilo Class submarine seen passing Gibraltar on July 13
Le sous-marin Kilo de la marine russe franchit Gibraltar le 13 juillet.

Il s »agirait du Krasnodar (B-265) en route vers Saint-Pétersbourg. Il transite en surface en compagnie d’un remorqueur. Ceci est typique des transits de sous-marins classiques russes, ici de la Méditerranée vers la Baltique, pour des « réparations programmées ». Ceci est fait l’objet de controverse car le but de son voyage a des retombées internationales.

Le Krasnodar est officiellement basé en mer Noire. En vertu de la Convention de Montreux, qui restreint le passage des navires de guerre dans le détroit du Bosphore, il n’est censé quitter la mer Noire que pour des réparations. Il la quittait l’année dernière, franchissant le Bosphore le 14 mars 2019. Cependant, au lieu de rallier directement le chantier d’entretien, il a passé les 15 derniers mois à opérer en Méditerranée au sein du 5ème Escadron opérationnel. Ce n’est que maintenant qu’il semble se diriger vers le chantier naval de l’Amirauté à Saint-Pétersbourg.

Le déploiement des sous-marins russes basés en mer Noire en Méditerranée est toujours controversé. La Convention de Montreux est censée empêcher les sous-marins d’être déplacés entre les deux mers. De fait la Russie argue des clauses spéciales, conçues pour les transits liés à l’entretien ou à l’affectation, et déploie régulièrement ses sous-marins de la mer Noire [pour appui de la] guerre en Syrie. Lorsque le Krasnodar a quitté la mer Noire, cela a fait sensation au sein de la communauté navale. Les observateurs occidentaux ont-ils eu le sentiment que le «voyage de maintenance», de quelques semaines, allait prendre plus d’un an ?

Du point de vue de la Russie, c’est une application « à la lettre » du traité. Aucune précision n’y figure en effet quant à l’itinéraire ou à sa durée. Cependant peu dans l’OTAN le considèrent comme conforme à l’esprit du traité. S’il s’arrête pour effectuer un déploiement opérationnel, peut-on vraiment dire que le but du transit est lié à une maintenance programmée ?

La Turquie,dont on aurait pu attendre protestation voire opposition au passage, est restée muette à ce sujet jusqu’à présent tout au moins ouvertement.

Le navire a été suivi via des renseignements ouverts depuis son départ de Tartous le 1er juillet. Le 3 juillet, Frank Bottema, un expert d’OSINT (*), le retrouve sur des images satellites commerciales. L’image floue dans son tweet, ci-dessous, révèle le Kilo:

https://pbs.twimg.com/media/Eb_pECIXgAIWlfs?format=jpg&name=small
Le 3 juillet, il est retrouvé dans des images satellites commerciales par Frank Bottema,
https://pbs.twimg.com/media/Eb_pECPXQAcusSF?format=jpg&name=small
https://pbs.twimg.com/media/Eb_oi0sXsAIXdWS?format=jpg&name=small
route du Sergey Balk sur Marine Traffic

La dernière fois que le Krasnodar a traversé la Manche, en mai 2017, la frégate HMS Somerset le pistait. Il ralliait la Mer Noire pour affectation. Comme dans le cas présent, il avait conduit une patrouille opérationnelle en Méditerranée à l’appui de l’intervention de la Russie en Syrie. De mai à août 2017, il était alors basé à Tartous, en Syrie, avait tiré des missiles de croisière sur des cibles à l’intérieur des terres avant d’entrer en mer Noire en conformité avec la convention de Montreux.

Reste à savoir si le Krasnodar sera à nouveau escorté. Un sous-marin russe entré en Baltique le 9 juillet ne semble pas en avoir alors fait l’objet de la part de l’OTAN. Les marines britannique, française et néerlandaise sont sans doute au fait de l’approche du sous-marin. Une question plus importante est de savoir si l’OTAN ou autre d’autre vont contester ces « déploiements opérationnels [associés à] Montreux ».

(*) : Acronyme pour « renseignement ouvert » (Open Source Intelligence)

source : Forbes