Ceux dont on ne donne jamais les noms

Étrange paradoxe. S’ils n’avaient péri, les armes à la main, en participant à la libération de quatre otages dont deux de leurs compatriotes, les noms et les visages de Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello seraient restés inconnus à jamais. Comme ceux de leurs frères d’armes, qui, en ce moment même, les pleurent en silence. Comme ceux de leurs proches, qui savaient bien que ces marins, leurs fils ou leurs amoureux, avaient choisi un métier total, de ceux où l’on ne se donne pas qu’un peu.

Chez les commandos marine, unités d’élite, le sens de l’autodérision et la culture du groupe sont des vertus cardinales. L’humilité et la discrétion aussi. Choix de vie à l’exact opposé du cours du temps, tandis que l’on voit surgir, dans la France de 2019, des célébrités discutables, grossièrement issues du moule déformant des réseaux sociaux.

S’ils n’avaient péri, une nuit presque sans lune, sur le sol burkinabé, leurs noms et leurs visages seraient restés inconnus à jamais. Comme beaucoup de ceux de leurs aînés, et comme ceux de leurs successeurs, qui à leur tour, iront certainement mettre leur vie en jeu pour que d’autres puissent poursuivre la leur. Sans un bruit.

Anne-Cécile Juillet

source: le télégramme.fr