Un sous-marin russe dans les Détroits turcs

Le sous-marin d’attaque classique B-261 Novorossiïsk a franchi le 4 décembre les Détroits turcs (Bosphore et Dardanelles)  en direction de la Méditerranée. Son départ de la base navale de Sébastopol a été annoncée peu de temps auparavant par les médias russes. Le franchissement des détroits Turcs par un sous-marin (russe en l’occurrence) dans le sens mer Noire-Méditerrranée est réglementé par la Convention de Montreux (1936) qui stipule qu’une telle manœuvre ne peut intervenir que si le submersible rejoint un chantier naval situé hors de la mer Noire, en accord avec les autorités turques qui auront été prévenues en avance. Le B-261 est présenté comme rejoignant un chantier naval situé « dans le Nord-ouest de la Russie » pour y subir un entretien planifié, très probablement à Cronstadt.

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Aussi, à ce stade, ni la lettre, ni l’esprit de Montreux ne sont remis en question par ce franchissement. Il faudra observer le temps que passera le B-261 en Méditerranée orientale (où sont déjà déployés les B-262 et B-265 depuis le printemps dernier). S’il s’y éternise, on pourrait alors considérer qu’il y a entorse à l’esprit de Montreux. Néanmoins, il convient de rappeler qu’à aucun moment il n’est indiqué dans le texte une quelconque période ou une limite de temps à laquelle devrait se conformer les submersibles entre le moment où ils quittent la mer Noire et le moment où ils arrivent dans ledit chantier.

Que peut-on déduire de ce départ du B-261 de la mer Noire ?

  • le B-261 est présenté comme devant subir un entretien planifié. Les SSK du Projet 0636.3 doivent en effet subir un arrêt technique majeur tous les 10 ans et une période d’arrêt technique intermédiaire tous les 3,5 ans. Le B-261 se trouve dans ce dernier cas de figure (il a été admis au service actif fin août 2014). Or, le B-261 a déjà subi un entretien planifié à l’Usine navale de Sébastopol (Sevmorzavod, filiale de Zvezdotchka) cet été. Cet entretien s’est peut-être révélé insuffisant ou non satisfaisant.
  • le B-261 a entamé le cycle de niveau L-2 le 15 novembre dernier, avant de réaliser une plongée par 240m de fond en mer Noire le 18 novembre suivant. Celle-ci a pu endommager certains systèmes du SSK, nécessitant son envoi à Cronstadt, voire au chantier naval de l’Amirauté, pour y subir des réparations que les chantiers navals sébastopolitains ne sont pas en mesure d’assumer.
  • les capacités d’entretien de SSK de Sébastopol semblent incapables d’assumer plus de charge : le B-237 subirait encore à Sevmorzavod un entretien technique intermédiaire entamé cet été tandis que le B-871 ferait toujours l’objet d’une IPER avec modernisation. La piste des tensions capacitaires est accréditée par le récent transfert de docks flottants à Sébastopol. Deux docks (un petit et un moyen) ont été transférés de l’usine n°91 à l’usine n°13 (dont l’un avec à son bord le B-871), ce qui témoigne d’une restructuration dont l’origine est probablement un défaut de compétence ou une incapacité à satisfaire les délais de réparations.
  • cyniquement, on pourrait poser l’hypothèse qu’il n’est pas dans l’intérêt de la marine russe de développer outre mesure les capacités d’entretien des SSK en Crimée afin de justifier occasionnellement le déploiement de sous-marins de la mer Noire vers la Méditerranée, avec pour finalité celle de rejoindre les chantiers russes à Saint-Pétersbourg. e

source : Portail des forces navales de la Fédération de Russie