Les classes 971 Akoula et 949A Oscar II vont connaître un allongement de leur durée de vie de 20 ans. Épisode 2.

4.   Les entretiens en cours

Il peut paraître curieux d’évoquer les entretiens en cours dans un sujet consacré aux modernisations. Mais les acteurs étant en grande partie les mêmes, leur plan de charge s’en ressent forcément.

4-1. Les classes 667BDRM DELTA IV

Le Bryansk avant remise à l’eau

Ces sous-marins sont encore majoritaires au sein de la composante stratégique de la Flotte russe. Longtemps quasiment seuls à assurer cette mission, ils ont été visiblement en priorité entretenus de manière suivie. Les 1er ATM ont duré entre quatre et six ans. Les deux derniers 2ème ATM entrepris ont demandé quatre ans. Les deux derniers sous-marins de la série, les Kareliya et Novomoskovsk devraient entamer sous peu cette opération.

4-2. Les classes 971 Akoula

Comme il est indiqué plus avant, il reste encore six autres sous-marins de cette classe en parc.

En parallèle des contrats de modernisation, des ATM ont été effectués au chantier Nerpa, une filiale du chantier Zvezdochka. Pour le Vepr[1], cette arrêt a duré 6,5 ans au lieu des 3,5 annoncés. Présenté comme faisant partie d’une classe 971U (U pour Uluchenie, en français Amélioré), il serait capable du missile Kalibr-PL. Ce qui reste à confirmer, aucun tir n’ayant à-priori eu lieu . Il devrait être suivi par le Tigr au chantier.

Une autre opération du genre est en cours chez Zvezda à Bolshoy Kamen pour le K-331 Narval.

Le calendrier est très erratique, tout comme la durée des opérations.

Pourtant, le manque de sous-marins de cette catégorie (SSN) est criant, la flotte du Pacifique ne possédant plus que du seul Kuzbass en ligne.

4-3. Les classes 949A Antey

De la même manière que pour les Akoula, des ATM ont été réalisés que ce soit en zone nord ou en zone Pacifique.

La deuxième série d’ATM à attendre sont ceux du Smolensk (2023), de l’Orel (2027) et de l’Omsk (2029). Le Tomsk ne devrait pas tarder à y entrer. Pour le Voronezh, qui devait la subir en 2024, cela reste douteux. Ce nom a été attribué à la 7ème unité de la classe 855M Yasen-M annoncée pour 2027.

Là encore, le calendrier est quelque peu erratique, et les travaux fort longs. Comme de juste, les sous-marins en sortant sont tous présentés comme les dotant de la capacité Kalibr-PL, ce qui ici encore reste à confirmer.

4.4  Les classes 671 RTMK Victor III

    Il est acquis que ces sous-marins ne bénéficieront d’aucune modernisation, compte tenu de leur âge. Deux unités sont encore en parc, le K-448 Tambov étant sensé revenir en ligne après ATM (depuis 10 ans !) cette année.

4.5  Les classes 6363

Pour l’heure, seuls les six marins affectés en mer Noire sont concernés. Mais leur planning d’entretien est quelque peu chamboulé pour répondre aux exigences de l’article 12 de la Convention de Montreux qui régit le franchissement des détroits turcs. Après une période opérationnelle en Méditerranée orientale, ils rallient Saint-Pétersbourg et les chantiers de Kronstadt et de l’Amirauté pour entretien, justifiant ainsi leur franchissement des détroits.

5.   Les entretiens à venir

Il convient de s’intéresser à ces entretiens à venir, car ce sont les mêmes chantiers SRZ qui en seront en général chargés, ce qui ne sera pas sans effet sur les modernisations.

5-1. Classe 677 Lada

Cette classe est mal née. Le Sankt-Peterburg n’a jamais été mis en service autrement que de manière « expérimentale ». Il est arrivé à Kronstadt pour modernisation. Mais il présente tellement de différences avec ses successeurs toujours en construction que cette opération reste en suspens.

5-2. Classe 885 Yasen

La première unité a là aussi connu quelques déboires. Elle n’échappera pas néanmoins à un ATM en 2024, à réaliser en zone Nord, très certainement chez Zvezdochka.

5-3. classe 955 Borey

Ces sous-marins, bâtis sur des éléments de classe 971 Akoula et 949A Oscar II récupérés, vont entrer dans le cycle d’ATM en 2023, 2024 et 2025. Si pour la flotte du Nord, l’absence du Dolgorouki pourra être compensée par d’autres SSBN, il n’en va pas de même pour la flotte du Pacifique qui va être privée des Nevskiy et Monomakh pour au moins trois ans … si le chantier Zvezda parvient à tenir les délais. On comprend l’urgence à la mise en service du Knyaz Oleg (955A Borey-A) destiné à cette flotte.

6.   Conclusion

Face à toutes ces contradictions, que conclure ?

Tout simplement que l’on est là dans l’effet d’annonce. Ces « modernisations » vont coûter fort cher pour un résultat qui reste à démontrer, à l’heure où la flotte russe peine à mettre en service des sous-marins modernes. Elles exigent plus de temps que la construction de sous-marins neufs.

Par ailleurs, ces sous-marins de plus de 30 ans vont être très de plus en plus difficiles à entretenir, ce qui ne peut qu’accroître la pression sur la chaîne logistique.

La marine soviétique parvenait à garder un niveau d’activité important du fait d’un rythme de production échevelé. Pour ne citer que lui, le chantier Sevmash a livré 4 SSBN en 1968, 5 en 1969 et 6 en 1970. Trente quatre unités de la classe 667A/AU Yankee sont construits en six ans. Rythme inimaginable aujourd’hui et même à long terme[2]

Le nécessaire passage de la logique du nombre à la logique de la qualité ne semble pas encore avoir atteint tout le pôle du soutien et de la logistique. Il s’en faut encore de beaucoup. Les réformes nécessaires semblent être en cours. Mais leur vitesse d’exécution est trop lente pour que ce goulot d’étranglement ne disparaisse à court ou moyen terme. Enfin, la pression sociale va inévitablement peser sur le financement de toute cette nécessaire réorganisation : l’heure des vaches maigres a sonné.


[1] Bien connu, après son escale à Brest en septembre 2004

[2] Entre 1967 et 1991, les SSBN russes ont lancé plus de 600 missiles balistiques d’exercice !

Contributeur : Alain Nicolas-Nicolaz
« Ancien officier de marine et russophone, l’auteur s’intéresse à l’histoire des sous-marins russes et soviétiques depuis de nombreuses années. Il y a consacré un site Internet. « .