Enfin : les drones peuvent chasser les sous-marins, les navires peuvent communiquer avec les sous-marins en plongée.

HNLMS Zeeleeuw, photo d’archive. (Photo : Ministère néerlandais de la défense)

Sans eau il n’y aurait pas de vie et, pire, pas de navires. Mais l’eau n’est pas toujours notre amie : même les sous-marins les plus grands sont très difficiles à trouver et les communications avec les sous-marins sont quasi impossibles. L’entreprise canadienne Geospectrum Technologies a trouvé une solution à ces problèmes.

Une frégate de lutte anti-sous-marine de l’OTAN se trouvant dans l’océan Atlantique reçoit l’ordre de chasser un sous-marin nucléaire qui, d’après les données de divers senseurs, est soupçonné de venir rapidement en portée de la frégate. La frégate est conçue pour combattre les sous-marins : le sonar de coque le plus récent est monté dans l’étrave et le sonar basse fréquence qui peut être remorqué derrière le navire permet de détecter les sous-marins à grande distance. En outre, le navire dispose d’un hélicoptère de lutte ASM et de deux drones de surface (USV). Ces USV sont équipés du système TRAPS (Towed Reelable Active / Passive Sonar) : sonar remorqué actif/passif

« Un navire isolé a peu de chances de survivre à une confrontation avec un sous-marin », explique Sean Kelly, ancien officier de lutte anti-sous-marine dans la marine canadienne, qui travaille désormais chez Geospectrum. « Mais si un groupe de navires affronte un sous-marin, ce dernier est désavantagé ».

« En associant à la recherche du sous-marin un hélicoptère et des USV, complétant ainsi les capacités embarquées de la frégate, nous créons en fait un groupe opérationnel : un énorme avantage tactique, utile quand les marines occidentales sont confrontées à une flotte réduite. »

Le drone et l’hélicoptère sont tous deux déployés à une grande distance du navire. « La frégate peut ainsi rester hors de portée du sous-marin » explique Kelly.

Un USV Seagull avec TRAPS. (Photo : Elbit

Notre frégate avance vers la position où la chasse au sous-marin hostile peut commencer. Drones et hélicoptère sont prêts à être déployés. « Supposons que la portée des sonars ce jour-là soit de 30 milles nautiques (MN) », poursuit Kelly. Le navire peut donc détecter les sous-marins jusqu’à une portée maximale de 30 MN avec son propre sonar, tout comme le drone. « Dès lors, si vous envoyez votre drone à 30 MN sur l’avant, comme l’hélicoptère, vous pouvez effectuer des recherches à plus grande distance. Vous pouvez ainsi augmenter la portée de votre sonar à 60 MN ou plus d’un coup. « 

Fonctionnant comme un piquet ASM, le drone immerge le sonar actif à basse fréquence dans l’eau et commence à émettre. Le signal sonore se diffuse dans l’océan Atlantique froid et rebondit sur les objets, mais pas seulement pour revenir vers le drone . Kelly : « Vous émettez d’un endroit, vous recevez dans un autre ». Dans ce cas, les échos atteignent le sonar remorqué de la frégate et les signaux reçus sont traités par le logiciel du bord.

« Dans des eaux telles que l’Atlantique, le Pacifique ou la mer de Chine méridionale, je veux un sonar avec la fréquence la plus basse possible, dit Kelly, parce que cela permet une portée considérable « . Mais toutes les opérations ASM ne se déroulent pas dans de tels grands fonds. « 

Considérons maintenant le sous-marin ennemi en zone côtière. Notre frégate récupère drones et hélicoptère et navigue vers la nouvelle position spécifiée. A bord, un plan est établi pour savoir comment localiser le sous-marin en faibles fonds. « Les sonars à basse fréquence sont moins efficaces dans les eaux côtières », explique le capitaine Kelly. « Ici, nous avons besoin d’un sonar à moyenne fréquence ». Presque tous les sonars navals fonctionnent sur une seule fréquence. Ce n’est cependant pas le cas du TRAPS. Kelly : « Les drones ont été récupérés et il nous suffit de remplacer une petite pièce pour pouvoir déployer un sonar à moyenne fréquence. Une demi-heure plus tard, le drone est de retour en mer et il peut à nouveau rechercher le sous-marin. Si vous n’êtes pas capable de changer cette fréquence, vous perdrez le sous-marin en un rien de temps. Si vous pouvez vous adapter rapidement, vous avez un énorme avantage tactique.  »

TRAPS avec sonars passif et actif visibles. La partie noire de l’émetteur doit être échangée si une autre fréquence est nécessaire. (Photo : Geospectrum)

TRAPS

Le nom du système TRAPS a déjà été mentionné dans des articles sur Marineschepen.nl et Naviesworldwide.com. Plus précisément dans l’article consacré au drone Seagull, qui a été développé par Elbit Systems et est construit aux Pays-Bas par De Haas Maassluis.

Comme nous venons de le voir dans l’exemple précité, le TRAPS est un plus pour ce drone spécifique : un ensemble sonar composé d’une antenne remorquée pour l’écoute et d’un émetteur.

TRAPS est le produit phare de Geospectrum, qui se concentre sur l’acoustique sous-marine pour les applications navales et civiles. Le système, en cours de développement, a récemment été installé sur plusieurs navires de la Marine canadienne. TRAPS peut également être utilisé comme sonar supplémentaire à bord de patrouilleurs par exemple. Toutefois, dans cet article, nous nous concentrerons sur la version destinée aux drones. Cette dernière version est extraordinaire, car il n’existe actuellement, selon Geospectrum, aucun sonar pour drone qui soit opérationnel à ce niveau.

Ce à quoi ressemblera exactement TRAPS dans la pratique dépend entièrement des exigences du client. « Nous disposons de centaines d’options », explique M. Kelly. « Chaque marine opère dans des circonstances sensiblement différentes, il n’y a donc pas de sonar qui fonctionne pour toutes. Et en opérations, les conditions changent souvent aussi pour les navires de guerre. Très modulaire TRAPS peut donc être adapté à la situation en cours. »

Un autre avantage de la modularité du système est le fait qu’il n’est pas nécessaire de revenir au port en cas de dysfonctionnement : on peut facilement remplacer la pièce cassée.

Le sonar actif peut émettre sur des fréquences comprises entre 2 et 10 kHz, simplement en changeant la partie émettrice. TRAPS convient donc aux opérations bi-statiques (émission et réception à des endroits différents). Des formes d’ondes complexes sont également possibles, assure Kelly. Avec un sonar passif, c’est la longueur de l’antenne qui détermine la fréquence la plus basse (et plus la fréquence est basse, plus grande est la portée).


Les modifications apportées à la conception des frégates ASW belges et néerlandaises ont eu une incidence sur la taille des USV.

Intégrer TRAPS aux drones

C’est bien beau tout ça, mais est-ce utile pour les marines néerlandaise et belge ? Après tout, il y a environ un an, une modification de la conception a été approuvée, ce qui a entraîné une réduction de l’espace pour accueillir des drones à bord des futures frégates ASM néerlandaises et belges. Au lieu de 12 mètres, les drones de ces futurs navires auront une longueur maximale de 7 mètres.

Cela signifie que la version standard du Seagull ne pourra plus être embarquée sur ces navires. Une version plus petite aura une portée réduite et ne pourra pas être utilisée dans certains états de mer. En quoi cela affecte-t-il TRAPS ?

TRAPS n’est pas conçu pour une taille spécifique de USV. « Lorsque nous sommes confrontés à un espace réduit, nous rendons la partie passive de TRAPS plus petite. Cela signifie que si le porteur devient plus petit, les capacités passives seront réduites », explique Kelly. Cependant, « nous considérons que la partie active est la plus importante, nous ne changerons jamais cela. »

Cela signifie-t-il la fin de tracas ? « Non, un drone de 7 mètres sera très difficile à réaliser », note Kelly. « Nous allons certainement l’étudier, mais le poids est le problème, plus la longueur du navire. Ainsi, une autre marine a récemment décidé d’allonger la longueur de ses drones dans le cadre du programme TRAPS », ajoute-t-il avec espoir.

Le navire canadien de défense côtière NCSM Shawinigan (classe Kingston) emporte une version TRAPS conteneurisée. (Photo : Geospectrum)

Commercialisation

Le TRAPS a déjà été vendu à la Marine canadienne. Et, récemment, une marine en « Asie » a acheté plusieurs ensembles. « Malheureusement, nous ne pouvons pas dire de quelle marine il s’agit », dit Kelly. « Nous sommes également en négociation avec une marine du Moyen-Orient et nous prévoyons d’autres ventes dans un avenir proche. »

Communiquer avec les sous-marins

Alors que TRAPS est destiné à détecter les sous-marins, LRAM [Modem Acoustique à Longue Portée] a été développé par Geospectrum pour communiquer avec les sous-marins immergés.

La communication sous-marine est extrêmement difficile en raison des propriétés de l’eau de mer. Comment un sous-marin peut-il recevoir des messages du commandement alors qu’il est engagé dans une opération secrète à des milliers de kilomètres ? Impossible si le bateau évolue en immersion profonde. De plus en plus de sous-marins disposent d’une communication par satellite. Cependant, pour l’utiliser, le bateau doit venir à l’immersion périscopique et à ce moment-là, les risques de détection sont plus élevés.

Dans le passé, les sous-marins utilisaient une procédure dite de « boîte aux lettres » : un avion de patrouille maritime volait, par exemple, de Keflavik (Islande) vers une position prédéterminée en mer de Norvège, le sous-marin de l’OTAN [ayant émis] les deux pouvaient transmettre des messages à courte distance. Le pistage de l’avion pouvait donner aux russes indication sur la présence d’un sous-marin. Une autre option l’usage de fréquences extrêmement basses (ELF). Pendant la guerre froide, un certain nombre de gigantesques tours cellulaires aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Norvège émettaient à des fréquences extrêmement basses en utilisant une énorme puissance. Des messages pouvaient ainsi être envoyés à des sous-marins en plongée et à grande distance, mais le coût d’entretien d’une telle station de diffusion aussi colossales aussi était énorme. C’est pourquoi elles ne sont plus utilisées

Geospectrum a développé une solution : le LRAM . N’importe quel émetteur peut utiliser ce dernier, que ce soit le TRAPS, pour les courte distances ou l’ensemble C-BASS – en VLF-, un autre produit de Geospectrum pour des communications à grande distance.

Avec le LRAM et le C-BASS, un navire peut envoyer un message à un sous-marin en plongée opérant à 1 000 milles nautiques (1 852 km). (Photo : Google Maps, texte ajouté par Naviesworldwide.com)
 

Longue portée

Quand on parle de longue portée, on parle de très grande distance : 1 000 MN. « Mais cela peut aussi se faire à une distance extrêmement courte : 10 mètres », précise Sean Kelly. « Le LRAM permet de communiquer avec des plongeurs, des drones sous-marins et des sous-marins ».

Grâce au LRAM, il est possible d’envoyer des messages aux sous-marins depuis la terre, mais aussi depuis des bâtiments. Cela signifie qu’un commandant d’un groupe opérationnel qui comprend un sous-marin peut également envoyer des messages. « Si un sous-marin fait partie d’un groupe opérationnel, il continue à agir en autonomie et reçoit des messages une fois par jour ou tous les deux jours », explique M. Kelly.  » Il peut cependant y avoir des changements importants à très courte échéance ( journée ou même quelques heures) ».

Une diffusion LRAM utilisant le C-BASS (*)pourra être détectée, mais les grandes distances couvertes dans toutes les directions font que cette diffusion n’a rien d’utile pour un adversaire : une zone de de 1000 MN est tout simplement trop grande pour rechercher un sous-marin.
(*) : : [Le sens, non encore connu, sera précisé au plus tôt. Merci au lecteur qui saurait éventuellement nous le confier].

La famille C-BASS. (Photo : Geospectrum)

C-BASS

Pour pouvoir communiquer sur de si grandes distances, il faut un transducteur sous-marin qui fonctionne à très basse fréquence et de forte puissance. « Lorsque nous avons commencé le projet, il existait un système similaire », se souvient Sean Kelly. « Cependant, ce système avait la taille d’une grosse camionnette de livraison et pesait 3 tonnes : totalement inadapté aux navires de la marine. »

« Nous avons promis de construire un petit système qui pourrait transmettre à 40 Hz, ce qui est extrêmement faible, avec une puissance de 200 dB. Certains experts l’ ont dit impossible et ajouté que nous pourrions leur apporter le produit fini : ils expliqueraient alors pourquoi il ne fonctionnait pas « , raconte Kelly.

« Nous avons donc commencé à le développer et c’est devenu un dispositif d’un mètre de diamètre, de 300 kg et émettant à 40 Hz. La puissance était de plus de 200 dB. Nous l’avons confié aux susdits experts : ils en ont immédiatement acheté deux. C’est une percée dans l’acoustique sous-marine. « 

Puis il y eut les essais en mer. Ce fut un succès : le petit appareil pouvait envoyer et recevoir des messages sur une distance de 1 000 MN.

Émetteur C-BASS dans le système LRAM mis à l’eau par un navire. (Photo : Geospectrum)

Messages-textes

Les sous-marins ne peuvent toujours pas diffuser de vidéos en continu ; seuls de très courts messages-textes sont possibles. « C’est plutôt du morse codé », explique Kelly. « Nous avons 16000 messages préprogrammés dans le système, parmi lesquels l’expéditeur peut choisir. Il existe également une méthode pour créer ses propres messages, mais il n’est en fait pas conçu pour cela. « 

Si la bande passante est limitée, elle reste bien supérieure à celle utilisée pour les transmissions vers les sous-marins au cœur de la guerre froide, explique Kelly.  » Une station de diffusion ELF coûte des milliards de dollars, et la longueur des antennes d’émission est kilométrique . Le LRAM coûte peu, peut être installé sur un navire, est facile à déplacer et dispose d’une bande passante beaucoup plus large. »

En outre, le système est conçu pour être fiable, car généralement, l’expéditeur n’attend pas de message en retour du sous-marin.

Et si le sous-marin est en situation de détresse ? Kelly répond ainsi : « Certaines marines sont également intéressées par le LRAM du point de vue de la sécurité. Un sous-marin en détresse ou posé sur le fond pourra alors envoyer un message précisent son état et sa position. « 

La mer restera, pour longtemps, un environnement difficile. Cependant, grâce aux dernières avancées en matière de lutte anti-sous-marine, de mise en œuvre de drones utilisant des navires sans pilote et de communication sous-marine, les choses vont vraiment changer sous l’eau.

source :Navies News WordlWlde Traduit avec DeepL