Bien dormir à bord d’un sous-marin opérationnel de la marine américaine – Combien d’entre nous en ont fait l’expérience ?

Il est agréable d’entendre que quelqu’un a bien dormi, mais qui aurait cru que ce serait à bord d’un sous-marin nucléaire en activité ? Cela semble avoir été le cas pour 42 marins veinards à bord de l’USS Vermont, qui ont participé en novembre dernier à une étude au cours de laquelle ils ont porté des lunettes spéciales, appelées dispositifs personnels de traitement de la lumière (PLTD), pour tenter d’améliorer leur rythme de sommeil.

Malgré la ressemblance de ces lunettes avec les très décriées « lunettes contraceptives » (*) distribuées aux militaires depuis des décennies, l’étude a été un succès, et de nombreux marins ont souhaité continuer à porter leurs lunettes une fois l’étude terminée. Bien que les chercheurs doivent encore analyser les données, il pourrait s’agir d’un développement prometteur pour les marins somnolents de la marine.

« Ces PLTD sont peu coûteux, discrets, et s’ils s’avèrent être une contre-mesure efficace au décalage circadien chez les sous-mariniers pendant les périodes de navigation, l’US Navy disposera d’une option supplémentaire pour aider les marins à obtenir le repos et le sommeil dont ils ont besoin pour maintenir leurs performances, améliorer leur moral et peut-être même leur santé », a déclaré le Dr Sarah Chabal, psychologue de recherche au Naval Submarine Medical Research Laboratory (NSMRL) et chercheuse principale de l’étude, dans un récent communiqué de presse.

Les marins ont dû être très privés de sommeil, car ces lunettes sortent tout droit d’un cours de chimie de lycée. Pourtant, elles répondent à un problème insensible dans le monde sous-marins : il peut être difficile de dormir quand on est coincé dans un tube métallique sans vue sur le soleil ou le ciel nocturne. Ces repères environnementaux externes aident le corps à maintenir un rythme circadien, cette horloge interne qui nous indique que nous devrions être éveillés le jour et endormis la nuit. Les équipages des sous-marins se relaient pour faire fonctionner le bateau 24 heures sur 24, ce qui signifie qu’il y a toujours des lumières allumées dans tout le navire.

Pour aggraver les choses, les marins, comme beaucoup d’entre nous, passent un certain temps sur leur téléphone ou leur ordinateur pour se détendre dans leur couchette avant de s’endormir. Le problème est que ces appareils émettent de la lumière bleue, qui supprime la libération de mélatonine nocturne, une enzyme qui aide les humains à s’endormir. Cela signifie que les marins peuvent mettre plus de temps à s’endormir et avoir plus de difficultés à rester endormis, explique le communiqué de presse.

La perte de sommeil et le désalignement circadien peuvent entraîner une diminution des performances, une impulsivité et même des conséquences sur la santé, ce qui peut conduire à des erreurs dangereuses et coûteuses à bord d’un sous-marin de 2,7 milliards de dollars comme le Vermont. Que faire ? Porter des lunettes pas très cool, apparemment.

Le vieil adage de Murphy s’applique peut-être : Si c’est stupide mais que ça marche, ce n’est pas stupide.

Chabal a déclaré que l’objectif de son étude était « d’examiner si la programmation judicieuse de l’exposition à la lumière par l’utilisation de dispositifs personnels de traitement de la lumière (PLTD peut aider les marins à passer et à maintenir leur temps de veille souhaité ». Deux types de lunettes ont été utilisés dans le cadre de l’étude : l’une permettait une exposition à la lumière bleue et devait être portée le matin immédiatement après le réveil, tandis que l’autre bloquait la lumière bleue et était portée le soir avant le sommeil. Pendant ce temps, un groupe témoin ne portait pas de lunettes.

Joseph DeCicco, médecin commandant sous-marinier du NSMRL et chef du département de médecine sous-marine et des systèmes de survie, a embarqué à bord du Vermont en novembre avec des dizaines de paires de lunettes PLTD alors que l’équipage se préparait à un déploiement au Brésil
(**) . Tous les participants ont répondu à des enquêtes sur le sommeil et le moral et ont porté des analyseurs de sommeil au poignet. DeCicco a également recueilli des marqueurs biochimiques du rythme circadien par le biais d’échantillons de salive et mesuré les performances cognitives des marins à l’aide de jeux sur tablette.

« Les marins ont été fascinés par l’étude », a noté M. DeCicco. « Ils pensaient que l’utilisation d’appareils personnels de traitement de la lumière pour adapter leurs horaires de sommeil à leurs besoins personnels serait bien meilleure que de forcer l’ensemble de l’équipage à suivre l’un ou l’autre horaire de sommeil. En outre, les membres de l’équipage ont, dans leur grande majorité, souligné qu’ils étaient plus dynamiques pendant leur période d’éveil appropriée lorsqu’ils portaient les lunettes. »

L’étude n’a duré que le temps du transit du Vermont vers le Brésil, mais M. DeCicco a souligné que les marins voulaient continuer à porter les lunettes pendant le voyage de retour, après la fin de l’étude. Le communiqué de presse ne précise pas s’ils ont été autorisés à garder les lunettes, mais peut-être que la marine et d’autres services prendront note du succès de l’étude, étant donné que les sous-mariniers ne sont pas les seuls membres de l’armée confinés dans un crépuscule fluorescent perpétuel : de nombreux marins servant sur d’énormes porte-avions sont tout autant confinés sous les ponts la plupart du temps, de jeunes missiliers de l’armée de l’air travaillent 24 heures sur 24 à 20 ou 30m sous terre, et de nombreux membres des opérations spéciales adoptent un horaire de sommeil peu conforme en opérations.

Ces lunettes BlueBlockers de qualité militaire pourraient-elles les aider aussi ? Avec un peu de chance, et si ces lunettes suivent le chemin des « lunettes de contrôle des naissances », alors des hipsters stylés les rendront de toute façon cool dans quelques décennies.

(*) : Surnom donné à des lunettes tellement déplaisantes et inesthétiques qu’elles étaient un réel repoussoir !
(**) : Le USS Vermont venait alors au Brésil pour assister au lancements de l’Humaita, 2ème Scorpène brésilien.

Source : International Submariners Association of the USA