Les Russes ont passé 40 ans à se préparer pour un « massacre sous-marin » – La marine américaine a construit un sous-marin pour l’interdire.

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USS Seawolf

À la mi-octobre 2019, la marine russe a mis à la mer la totalité des sous-marins d’attaque disponibles de la Flotte du Nord dans les eaux froides de l’Atlantique Nord.

Près d’un an plus tard, la marine américaine a déployé le USS Seawolf, l’un de ses meilleurs SNA dans ces mêmes eaux.

Distincts mais similaires ces deux déploiements n’avaient rien d’une coïncidence. La Russie a passé des décennies à préparer ses sous-marins au contrôle des espaces-clés de l’Atlantique Nord. Les États-Unis ont passé des décennies à se préparer à contrecarrer ce plan. Le Seawolf est une part importante de l’effort américain.

Les huit sous-marins russes, dont six SNA, ont l’année dernière sillonné les mers de Norvège et de Barents, où ils se sont entraînés à défendre les zones d’où les SNLE russes – les « bombardiers » – tireraient les missiles intercontinentaux de fin du monde.

Le SNA américain qui, un an plus tard, vint croiser dans ces mêmes eaux a été spécifiquement conçu pour y pénétrer.

Cette poussée sous-marine de Moscou n’était pas sans précédent. Mais il faut remonter à 1987 pour trouver un semblable effort. Cette année-là, la marine soviétique a envoyé cinq SNA de la classe Victor, alors nouveaux, traverser l’Atlantique Nord.

Ce déploiement – l’opération Atrina- a nécessité des années d’entraînement.

Après avoir quitté les bastions nucléaires soviétiques, les Victor ont poussé plus à l’ouest. Si loin à l’ouest qu’ils ont inspiré une certaine panique dans la marine américaine, laquelle a déployé une véritable armada afin de traquer les bateaux soviétiques.

Quelque chose de similaire s’est produit des décennies plus tard.

La poussée russe d’octobre 2019 est née sous les auspices de l’opération Grom, un exercice de 60 jours ayant pour thème la guerre nucléaire. Dans le cadre de cet exercice, le SNLE Karelia a lancé un missile balistique d’exercice depuis la mer de Barents le 17 octobre.

L’exercice a également compris des lancements d’engins à partir de terre ou d’aéronefs.

Les huit sous-marins d’attaque impliqués dans cet exercice se sont apparemment entraînés à protéger la Carélie. En temps de guerre protéger les SNLE dans leurs bastions serait la mission principale des quelques 50 sous-marins d’attaque de la Russie. Mais ces mêmes sous-marisn d’attaque ont également des capacités offensives.

Selon Andrew Metrick, analyste au Centre d’Etudes Stratégiques et Internationales à Washington DC, Les sous-marins d’attaque porteurs du nouveau missile de croisière non nucléaire Kalibr « peuvent opérer à partir de la zone réputée sûre des bastions en mers de Norvège et de Barents et, de là, frapper des cibles dans toute l’Europe Centrale et du Nord ». (Proceedings, mensuel édité par l’US Naval Institute).

Et si Moscou voulait menacer les États-Unis avec des armes conventionnelles, Ces sous-marins d’attaque pourraient naviguer plus loin à l’ouest. La côte Est des États-Unis n’est plus un « havre de paix » pour les bâtiments de guerre américains, a déclaré le vice-amiral Andrew Lewis, commandant de la 2ème flotte, lors d’un colloque technique en février dernier.

« Nous avons vu un nombre toujours croissant de sous-marins russes déployés dans l’Atlantique, et ces sous-marins sont plus capables que jamais, se déployant pendant de plus longues périodes, avec des systèmes d’armes plus meurtriers », a déclaré Lewis.

Les amiraux américains formulaient de semblables avertissements au milieu des années 80, peu de temps avant que les cinq SNA Victor ne naviguent jusqu’aux Bermudes.

En 1984, la marine américaine a mené une analyse approfondie des capacités sous-marines soviétiques. Le rapport qui en est résulté, met en évidence de nouvelles classes de sous-marins d’attaque, dont le Victor ; c’est un « tournant » pour les Américains déclarait le vice-amiral James Hogg, alors directeur de la guerre navale, au Congrès en 1986.

Chasser les sous-marins russes était devenue «la priorité numéro un de la marine en matière de lutte », a déclaré Hogg, et ce « en raison des graves conséquences sur la sécurité nationale si nous perdions l’avantage sur les Soviétiques ».

Sur les bases du rapport de 1984, la marine américaine a lancé un « crash programme » pour développer un nouveau SNA – le Seawolf. Et il a amélioré ses SNA existants pour opérer plus sûrement dans les eaux glacées des bastions soviétiques.

Trente-six ans plus tard, le Seawolf, l’un des trois sous-marins de sa classe, faisait partie de la réponse américaine – aux côtés de ses alliés de l’OTAN – à l’opération Grom et à la poussée sous-marine de la Russie en 2019. Le Seawolf, admis au service actif en 1997, est plus rapide, silencieux et lourdement armé que n’importe quel autre SNA au monde.

Mais la réponse immédiate de l’OTAN à l’opération Grom est venue des airs. Entre le 25 octobre et le 7 novembre, les avions de patrouille maritime de l’OTAN ont effectué plus de 40 missions à la recherche des huit sous-marins d’attaque russes.

Six P-3 de l’armée de l’air norvégienne, quatre P-8 de la marine américaine ainsi qu’un CP-140 de l’armée de l’air canadienne ont été déployés à partir d’Andoya en Norvège. Un P-8 supplémentaire, au moins le fut de Keflavik en Islande et un Atlantique 2 mis depuis la base de Prestwick en Écosse.

Le suivi des vols des avions de patrouille maritimes à des centaines de nautiques au cœur de l’Atlantique Nord a permis de voir les plans de vols de recherche et pistage des sous-marins russes. Pour ce faire, ces aéronefs utilisent radars, bouées sonar et détecteurs d‘anomalies magnétiques pour trouver des sous-marins à immersion périscopique comme en plongée profonde.

Dix mois plus tard, à la mi-août de cette année, le Seawolf a quitté son port d’attache dans l’État de Washington, franchi sous les glaces l’océan Arctique et est entré dans le bastion nucléaire russe en mer de Norvège.

L’annonce, par l’US Navy, de l’arrivée du Seawolf dans le port norvégien de Tromso fut surprenante : elle n’évoque presque jamais publiquement les mouvements de sous-marins – et est particulièrement discrète en ce qui concerne le Seawolf et les autres SNA du type. Ce fait, de la part de l’US Navy, est à souligner

Cela signifie que, si la Russie est à même de quitter ses bastions sous-marins et envoyer des sous-marins vers la côte américaine, les Etats-Unis sont également à même de s’y opposer.

«Le déploiement du Seawolf à partir de Bangor (Etat de Washington), au profit de la 6ème flotte démontre la portée mondiale et l’engagement des forces sous-marines américaines  à fournir des forces sous-marines prolongées et clandestines dans le monde entier pour exécuter des missions d’importance avec une disponibilité inégalée», déclarait dans un communiqué le vice-amiral Daryl Caudle, commandant des forces sous-marines américaines.

et engagement comporte le maintien de la capacité à pénétrer les bastions sous-marins que les Russes s’efforcent de protéger et de traquer les gardiens de ces mêmes bastions. C’est, du moins, ce qu’espèrent les Américains.

source : Forbes