En Afrique du Sud, son rêve : ressembler au MESMAT

Discret par nature, silencieux par devoir, un sous-marin fait rarement parler de lui. Sauf quand il devient musée. C’est le cas à Simon’s Town, en Afrique du Sud, où un petit bout de Bretagne est amarré à un ponton depuis quatre ans. Visite guidée avec Peter Keene, amiral à la retraite, à bord du SAS Assegaai (ex Johanna Van der Merwe).

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Peter Keene  (photo GH Télégramme)

Qui prend la route du Cap de Bonne Espérance, en Afrique du Sud, passe inévitablement par Simon’s Town, charmante petite ville d’environ 15.000 âmes, située à 45 minutes de voiture de Capetown et à l’architecture typiquement anglaise. Et pour cause, puisqu’elle abrite une base navale qui fut longtemps propriété de la Couronne britannique. « Pendant des années, la flotte sud-africaine a mouillé à Durban. Nous avons attendu le départ des Anglais, en 1957, pour prendre la place », explique notre guide, natif du Cap. Et d’ajouter, non sans humour : « Ici, on est plus Nelson que Napoléon… ». Pourtant, Peter Keene, 65 ans, est un amoureux de la France, où il a vécu plusieurs années. Et de la Bretagne, qu’il connaît bien, notamment Lorient et sa base de Keroman dont il veut s’inspirer pour faire du SAS Assegaai (sagaie zouloue en afrikaans), sous-marin sud-africain de type Daphné initialement baptisé Johanna Van der Merwe (S99), l’équivalent du musée de La Flore.

« Il est un peu breton »
Jean, baskets, énormes bacantes et catogan… Peter Keene ne correspond pas à l’idée qu’on se fait d’un pacha de sous-marin. Il le fut pourtant pendant quatre ans, avant de terminer sa carrière, après 31 ans de service comme amiral commandant la base navale de Simon’s Town. Guide passionné par les « bêtes noires », il sait tout des trois Daphné achetés par l’Afrique du Sud à la France, à l’aube des années 1970. Le SAS Assegaai, aujourd’hui en surface, panneaux largement ouverts pour ventiler une coque très longtemps fermée sous les eaux, est le seul qu’il n’a pas commandé. Ce petit bijou de technologie de 57,75 m de long, équipé de 12 tubes lance-torpilles, a été construit aux chantiers navals de Nantes. « Il est donc un peu breton », s’amuse le marin, intarissable sur la carrière de ce bâtiment qui a effectué, entre 1971 et 2003, sous tous les océans ou presque, missions de reconnaissance et autres opérations encore couvertes par le secret défense. « En général, on partait pour quatre semaines avec un équipage de 52 marins et, parfois, 13 commandos supplémentaires. Il est toutefois arrivé que nous restions plus de cinq semaines en mer », raconte l’amiral dans un excellent français.

Mais le véritable exploit des Sud-Africains, c’est d’avoir réussi à conserver et améliorer leurs trois sous-marins, essentiellement au niveau du système de combat, pour augmenter substantiellement leur durée de vie. Une impérieuse nécessité, « suite à l’embargo décidé par les Nations Unies, en 1977, en réaction au régime d’Apartheid qui sévissait chez nous. Nous n’avons en effet jamais reçu les deux Agosta que nous avions commandés et qui, finalement, ont été vendus au Pakistan. On a donc fait avec l’existant », explique Peter Keene. Ce savoir-faire épatera les Français : quatre ans après l’élection de Nelson Mandela et l’ouverture du pays, Thomson rachètera African Defense System (ADS), la société qui avait modifié les submersibles.

À la recherche de financements
C’est en souvenir de cette histoire, glorieuse mais méconnue, et de tous les marins qui ont un jour embarqué sur ces bâtiments (les premiers métis dès 1979, les Noirs et les femmes à partir de 1994), que l’amiral retraité cherche aujourd’hui à faire un musée du SAS Assegaai, le seul « rescapé » des trois Daphné.

Pour faire découvrir aux visiteurs (46.000 en quatre ans) le quotidien des 1.000 sous-mariniers qualifiés sud-africains ayant navigué depuis les années 1970, il peut compter sur 25 bénévoles passionnés, dont 15 à temps plein. Mais la bonne volonté ne suffisant pas, ils cherchent des financements. « On veut faire de Simon’s Town le Lorient d’Afrique du Sud. Pour mettre le sous-marin au sec et le rénover, créer un musée et des boutiques, il nous faudrait au moins 10 millions de Rands (environ 770.000 €). En France, pays maritime s’il en est, vous avez la chance d’avoir des villes qui comprennent la mer. Ce n’est pas aussi simple ici ».

Quatre Daphné musées. Quatre sous-marins de type Daphné ont été transformés en musées à travers le monde : la Flore, à Lorient; le Delfin, à Torrevieja (Espagne); le Hangor, à Karachi (Pakistan) et, enfin, le SAS Assegaai, à Simon’s Town (Afrique du Sud).  http://www.navy.mil.za/museum_submarine/

source: le telegramme